Phénomène mystérieux, complexe et captivant, la migration des oiseaux est suivie chaque année par un grand nombre de passionnés qui regardent passer au-dessus de leurs têtes les migrateurs en partance pour un long voyage… où partent-ils ? pour quelles raisons ?
Grues cendrées © Fabrice Cahez
Qu’est-ce que la migration ?
On appelle 'migration' les déplacements saisonniers d’une population d’oiseaux entre une zone de nidification et une zone d’hivernage. Pour certaines espèces, ce voyage peut se dérouler sur des distances relativement courtes alors que d’autres vont parcourir des milliers de kilomètres.
La migration au printemps est appelée « prénuptiale » car elle a lieu avant la reproduction. Elle débute parfois dès la fin janvier pour des espèces comme l’oie cendrée ou le vanneau huppé, et peut finir début juin, comme chez le martinet noir ou la tourterelle des bois.
La migration à l’automne, dès la fin juin à novembre, est dite « postnuptiale », elle débute après la reproduction.
La majorité des espèces d’oiseaux observées en France est migratrice. Pour certaines comme le pouillot fitis, l’ensemble des oiseaux qui se reproduisent en Europe et en Asie vont hiverner en Afrique. Pour d’autres comme le rougegorge ou l’accenteur mouchet, seules les populations nordiques sont migratrices. Cependant, certaines comme la chouette hulotte sont totalement sédentaires.
Pourquoi les oiseaux migrent-ils ?
On croit souvent que l’arrivée du froid pousse les oiseaux à migrer en automne. En réalité, le départ des oiseaux migrateurs est motivé par des considérations alimentaires car la plupart des espèces supportent parfaitement la baisse des températures. En revanche, les chutes de neiges ou encore le gel peut limiter l’accès à la nourriture ce qui entraine des mouvements de fuites vers le sud. En hiver, le vanneau huppé fréquente les prairies et les labours dans toute l’Europe jusqu’en Scandinavie où il se nourrit de petits invertébrés. Lorsque la neige recouvre les parcelles agricoles, les vanneaux n’ont plus accès à leur nourriture et sont contraints de fuir vers l’Europe méridionale.
Vanneaux huppés © Alain Boullah
Pour d’autres espèces comme la cigogne blanche, les déchets ménagers stockés dans les décharges à ciel ouvert leur offrent le couvert en hiver malgré le froid. Désormais, beaucoup d’entre elles économisent le voyage périlleux vers l’Espagne et l’Afrique.
Quant aux hirondelles ou aux martinets, migrer est une nécessité. Les insectes dont ils se nourrissent disparaissent en automne et jusqu’au printemps. Ces insectivores stricts n’ont d’autre choix que de gagner le continent africain pour survivre à la mauvaise saison.
Pourquoi certaines espèces des régions tempérées ne migrent-elles pas ?
Généralement, on oppose les espèces dites « migratrices totales », c’est-à-dire dont l’ensemble des individus partent en migration, aux espèces dites « migratrices partielles » où les comportements migratoires diffèrent en fonction des populations. Par exemple, le milan royal est un rapace qui se reproduit majoritairement en Europe, du sud de la Scandinavie jusqu’en Espagne, en passant par l’Europe centrale. Les populations méridionales (Pyrénées, Espagne) sont majoritairement sédentaires alors que les oiseaux d’Allemagne ou encore de Suède migrent massivement en direction du sud-ouest vers la France et la péninsule ibérique. De ce fait, en hiver, les populations sédentaires sont renforcées par des oiseaux venus du Nord de l’Europe.
Milan royal © Emile Barbelette
Ces deux stratégies de migration qui peuvent cohabiter au sein d’une même espèce sont le reflet de pressions de sélection qui ne sont pas les mêmes suivant les populations : chez les milans sédentaires, la ressource alimentaire est suffisante tout au long de l’année et il est plus judicieux de demeurer sur son territoire de reproduction au risque qu'il soit investi par un congénère. En revanche, pour les populations nordiques, le coût d’un voyage de 2000 ou 3000 kilomètres est moins important que le risque de stationner sur des territoires peu accueillants en hiver. Ainsi, la stratégie « migrer » est sélectionnée chez les oiseaux nordiques.
Mais les changements climatiques actuels entrainant des hivers de plus en plus cléments, modifient les comportements migratoires de nombreuses espèces qui tendent à migrer moins loin voir à se sédentariser.
Voyager de jour ou de nuit ?
Près de 2/3 des espèces européennes migrent la nuit parmi lesquelles de nombreuses espèces de passereaux, les limicoles ou encore les anatidés. Les migrateurs diurnes comptent principalement les planeurs (rapaces, cigognes) qui profitent des ascendances thermiques pour se déplacer sans effort, ou encore certains passereaux ou colombidés qui migrent par saut de puce (fringillidés, certains motacillidés, les étourneaux).
Quels avantages à migrer la nuit ?
Plusieurs hypothèses sont proposées par la communauté scientifique. Les dépenses énergétiques sont moindres dans l’air nocturne plus frais et plus dense, et les risques d’hyperthermie et de déshydratation sont réduits. C’est notamment le cas lors de la traversée du désert du Sahara où les températures diurnes peuvent excéder les 40°C. De plus, les conditions aérologiques plus stables la nuit facilitent le choix d’une altitude de vol à laquelle les vents sont favorables. Enfin, la prédation pourrait être moins intense la nuit, beaucoup de prédateurs d’oiseaux étant diurnes.
Oies cendrées © Fabrice Cahez
Une mystérieuse boussole interne pour s'orienter dans le ciel
L’orientation des oiseaux migrateurs fait l’objet de divers programmes de recherche. Les oiseaux pourraient s'orienter par rapport au champ magnétique terrestre.
Des scientifiques ont détecté de minuscules cristaux de magnétite le long de la zone olfactive dans le cerveau de certains oiseaux. A l'intérieur du crâne des pigeons a été localisé un petit tissu particulier de 1 mm sur 2 qui contient plus de dix millions de petits cristaux allongés de magnétite. Or, ce composé de fer et d'oxygène est le même que celui dont sont faites les aiguilles des boussoles. Les biologistes ne savent toujours pas comment les oiseaux peuvent percevoir la position des cristaux de magnétite dans leur tête. Mais les pigeons voyageurs semblent affectés par les variations du champ magnétique. Relâchés à des endroits où le champ magnétique terrestre est anormalement élevé, ils ont du mal à retrouver leur chemin.
Les oiseaux pourraient également suivre le soleil, la lune et les étoiles en utilisant leur mouvement apparent comme boussole. Certains pourraient également utiliser des repères du paysage pour s’orienter, comme les fleuves ou les côtes. D’autres hypothèses se focalisent sur l’olfaction ou encore l’utilisation des variations de pressions atmosphériques.
Record de distance !
La sterne arctique est probablement l’oiseau qui effectue la plus longue migration connue chez les oiseaux : certains individus peuvent parcourir plus de 80 000 km en une année lors de leurs déplacements entre les zones de reproduction arctiques et les zones d’hivernages antarctiques.
Des puffins fuligineux, qui se reproduisent en Nouvelle-Zélande, peuvent effectuer près de 70 000 km entre deux épisodes de reproduction : au cours de l’année, ces oiseaux vont successivement fréquenter les eaux au large du Chili, puis partir vers le nord pour passer l’hiver austral dans les eaux de l’Alaska ou du nord-ouest canadien, avant de revenir vers les côtes néo-zélandaises. La capacité de certaines espèces à migrer sur de longues distances sans s’arrêter soulève aussi l’admiration. Ainsi une barge rousse, équipée d’un GPS embarqué, a parcouru 12 800 km en 11 jours sans escale entre l’Alaska et la Nouvelle-Zélande. Cette performance hors du commun est possible grâce à d’importantes réserves de graisse utilisées comme carburant au cours de ce marathon en plein ciel.
Enfin, certains oiseaux sont capables de migrer à des altitudes très importantes, c’est le cas de la rousserolle turdoïde. Cette petite fauvette d’à peine 30 grammes a été mesurée à près de 6400 mètres d’altitude lors de son trajet vers l’Afrique.
Sterne arctique © Jean-Paul Leau
Participez à l’EuroBirdwatch 2024, les journées européennes de la migration.
L’EuroBirdwatch est le plus important événement européen de découverte de la migration, créé en 1993 par BirdLife International, alliance mondiale de protection de la nature et des oiseaux représentée dans plus de 100 pays. En France, cet événement est organisé par la LPO.
Venez découvrir le phénomène de la migration des oiseaux par le biais d’activités ouvertes à tous comme des sorties de terrain, des points d’observations, des conférences, des expositions, des ateliers… sur des sites propices à l’observation des oiseaux migrateurs.
Crédits photos : Fabrice Cahez, Alain Boullah, Emile Barbelette, Jean-Paul Leau.
Ont collaboré à cet article : Jérémy Dupuy - Responsable de Projets Enquêtes et Atlas Avifaunistiques et Louis Sallé - Responsable de Projet Migration & Analyse de Données.