Œil d'expert

Un objectif de 115mm pour la longue-vue Swarovski

Texte extrait de l'Oiseau Mag N°149 et écrit par Marc Duquet et Philippe J.Dubois.

 

Dans un précédent article, nous vous avions présenté les remarquables qualités du module binoculaire BTX de Swarovski Optik.

Voici un test de l'imposant objectif de 115 mm, venu compléter la gamme de cette longue-vue modulaire unique, qui comptait déjà des objectifs de 65, 85 et 95 mm.

 

BTX gamme

Une large gamme de modules pour la BTX

 

Les mensurations de ce module sont impressionnantes : une lentille frontale de 115 mm de diamètre, la plus grande et donc la plus lumineuse du marché, une longueur de 307 mm et un poids de 2 100 g, soit à peine 13 cm de plus que l'objectif de 95 mm, mais un surpoids de 760 g. Équipé du module BTX, l'ensemble atteint les 3 520 g, auxquels il faut encore ajouter 2 400 g pour un bon trépied en carbone et sa rotule, soit un total proche de 6 kg, ce qui est nettement excessif pour une utilisation confortable en déplacement sur le terrain.

C'est à l'automne 2020, sur l'île de Sein, au large de la pointe sud-ouest du Finistère, que j'ai eu l'occasion d'essayer cet objectif avec le module BTX (mais il peut également être utilisé avec les monoculaires ATX ou STX). Un peu plus volumineux qu'avec le 95 mm, l'ensemble est sensiblement plus lourd, ce qui rend son transport sur l'épaule beaucoup moins confortable et réduit quelque peu sa stabilité sur une rotule classique (non-pendulaire et sans platine de stabilisation).

Mais une fois en place, son utilisation est aussi aisée qu'avec les 95 mm et le gain de luminosité procuré par l'objectif de 115 mm, à savoir 45 % de lumière en plus transmise à l'œil, est flagrant et particulièrement appréciable, notamment à l'aube et au crépuscule ou encore sous un ciel nuageux. Le grossissement et le champ de vision de cet objectif de 115 mm restent les mêmes qu'avec les 95 mm, respectivement 35 fois et 32 m à 1000 m (soit un champ de vision apparent de 60°).

Grâce à ce grossissement trois fois et demie supérieur à celui des jumelles, il est possible de garder un plus grand recul par rapport aux oiseaux, ce qui m'a permis de rechercher et d'observer les pouillots dans les buissons ou les pipits sur les pelouses de l'île sans les déranger le moins du monde, et tout en les voyant aussi bien qu'en étant à quelques mètres d'eux. C'est ainsi que j'ai eu l'occasion de suivre les déplacements d'un bruant nain se nourrissant activement sur les laisses de mer de la baie de Pourdéver et d'apprécier le plastron rouge-orangé d'un gobemouche nain en plumage nuptial sur les murs du phare, sans que l'un ou l'autre ne soit gêné par ma présence.

Mais il faut reconnaître que compte tenu du poids de cette longue-vue, c'est surtout pour l'examen des reposoirs de limicoles à marée montante que je l'ai utilisée : quel confort de pouvoir détailler, les deux yeux grands ouverts, les grands gravelots, les tournepierres à collier et les bécasseaux variables pour y rechercher les bécasseaux violets fraîchement arrivés et un éventuel bécasseau nord-américain égaré en Europe. Scruter les moindres détails de leur plumage durant de longues minutes sans fatigue oculaire est une expérience incomparable.

Bien sûr, un tel objectif hors norme a un coût très élevé qui en limite sans doute l'accès. Quant à son poids et son encombrement importants, ils le prédestinent plutôt à un usage statique, tel que l'observation au bord d'un plan d'eau ou d'une vasière, ou encore le seawatching, que Philippe a testé et nous présente. (MD)

 

Btx

Des jumelles adaptées au Seawatching

 

Faire du seawatching avec une BTX

 

C'est en effet peut-être là que la BTX équipée de l'objectif 115 mm est la plus adaptée et la plus performante. La pratique du seawatching, c'est l'observation des oiseaux marins en migration à partir de la côte. Il en ressort que cette optique est particulièrement appropriée pour ce genre d'exercice, car les oiseaux passent parfois loin et souvent dans des conditions difficiles - mer forte, vent violent, embruns, temps gris. Les séances, qui durent fréquemment plusieurs heures, sont en général pratiquées avec des longues-vues monoculaires.

De ce test, on peut relever des points positifs. Tout d'abord, la qualité et le confort d’observation : après 5 à 6 heures d'observation (parfois plus !) avec une longue-vue classique, les yeux sont fatigués, tandis qu'avec la BTX, aucune fatigue, même après une séance qui a duré près de 8 heures ! Ensuite, et en dépit d'un grossissement fixe de 35 fois, la détection des oiseaux est supérieure à celle obtenue avec les longues-vues classiques (avec zoom, jusqu'à 60x). Le champ de vision plus large permet notamment, par forte houle, de ne pas manquer les oiseaux qui disparaissent longuement derrière les vagues. Ces deux points sont primordiaux pour assurer que la pratique du seawatching avec une BTX est plus efficace et plus confortable qu'avec une longue-vue classique, surtout avec un objectif aussi lumineux que le 115 mm.

Évidemment, on peut relever quelques aspects négatifs. Le poids est un handicap certain, même si l'on ne peut pas prétendre à une optique légère avec ce type de produit. Si le seawatching ne demande en général pas une longue marche pour atteindre le point d'observation, une utilisation de la BTX et de l'objectif de 115 mm en montagne nécessitera en revanche l'emploi d'un sac à dos (voire le recours à un sherpa...). La stabilité est aussi un aspect à ne pas perdre de vue. Posé sur un trépied classique (Swarovski, Manfrotto), le poids de l'ensemble est tel qu'il y a une instabilité permanente, quoi que légère (si l'on n'utilise pas de platine de stabilisation, il faut serrer fermement la rotule pour que la longue-vue "ne pique pas du nez" sous le poids de l'objectif !). Dans des conditions de seawatching avec des rafales de vent, l'ensemble trépied/BTX/115 mm n'est donc pas toujours des plus stables.

Pour diminuer cette instabilité, la solution consiste à utiliser une platine de stabilisation, déportant le point de fixation de la longue-vue sous son centre de gravité, ou une rotule pendulaire, mais cela augmente encore le prix de l'ensemble et, sur­tout, ajoute jusqu'à 1 kg à son poids, ce qui devient alors vraiment trop important. Parmi les points de détail, le repose-front ne semble pas vraiment utile, d'autant qu'étant en plastique, il est très fragile. Pour les passionnés d'oiseaux marins, qu'ils observent dans les estuaires ou depuis la côte, il est difficile de trouver mieux qu'une BTX montée sur un objectif de 115 mm. (PJD)

 

À propos des auteurs

 

Marc Duquet est l'un des principaux acteurs de l'ornithologie en France. Cet expert des passereaux et des rapaces de l'hémisphère Nord est co-fondateur et rédacteur en chef de la revue d'ornithologie de terrain Ornithos depuis 1994. Il est également membre du comité de rédaction de L'Oiseau Mag.
Philippe J. Dubois est ingénieur écologue et ornithologue à la LPO. Directeur éditorial des Éditions Delachaux et Niestlé et auteur de nombreux ouvrages, il est aussi directeur de publication de la revue Orn​ithos.

 

Extrait de l'Oiseau Mag N°149 page 72.
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Crédit photo : Swarovski Optik.